Dans les jours qui ont suivi l’attentat, alors qu’il jouait aux cartes avec des amis dans la rue, la gendarmerie est venue pour l’arrêter. « Ils ne savaient pas exactement à quoi je ressemblais donc j’ai pu m’enfuir mais ils ont arrêté tous les jeunes qui jouaient avec moi. Deux sont encore à la gendarmerie à l’heure où l’on se parle. » C’est suite à ça qu’il décide de fuir rapidement à Mayotte. « Je me suis caché chez des gens jusqu’à 4h du matin et c’est de là que j’ai préparé mon voyage en kwassa kwassa pour Mayotte. » Sa famille a aussi subi les conséquences de cette répression selon lui. « Ils sont venus chez moi à 5h du matin le 1er août alors que j’étais déjà à Mayotte et ils ont fouillé sans rien trouver de compromettant. Ils ont arrêté ma femme et l’ont gardé 13h de temps. »
« Ils sont même venus une fois à 3h du matin »
Idalo Said Ali est agent informaticien et anciennement employé de la Croix-Rouge française à Anjouan. Alors qu’il était sorti un après-midi, il a appelé sa femme qui lui a dit de ne pas revenir chez lui. « Elle m’a dit que j’étais recherché dans le quartier et qu’il ne fallait pas que je rentre. C'est là qu' a commencé ma cavale de 15 jours avant de décider de prendre le large vers Mayotte. » Son tort selon lui : avoir posté sur Facebook la vidéo d’un manifestant blessé par balles lors d’une manifestation à Mutsamudu à Anjouan. « J’ai hésité avant de partir vu que ma femme et mes enfants sont là-bas, je ne voulais pas abandonner ma famille. Mais à la fin, je n’avais pas le choix : j’ai pris la décision de me rendre à Mayotte. » Il explique cette décision par la pression mise par les militaires sur sa famille : « Les militaires n’ont pas cessé de revenir chez mon épouse pour voir si j’étais là, même à des heures très difficiles : 22h, 23h, minuit. Ils sont même venus une fois à 3h du matin. »
Ce contenu n'est pas compatible AMP.
Ibrahim Said Abdel Majid et Allaoui Ahmed Bachir Emmanuel Tusevo-Diasamvu
De son côté, Allaoui Ahmed Bachir a été lui-même récupérer sa famille clandestinement depuis Mayotte alors qu’il était recherché à Anjouan. Cet homme d’une trentaine d’années était avant le 25 août le directeur de la Radio Télévision de N’Dzouani (RTN), média public d’Anjouan, favorable à l’ancien président Sambi. Il a aussi fait partie de la communication du parti Juwa, le parti de ce même ancien président. Alors qu’il était à Mayotte [il a la double nationalité, ndlr], 12 militaires armés seraient venus au siège de la radio pour l’arrêter. « Ils n’ont rien saccagé mais ils ont demandé aux employés de la radio où j’étais. » Depuis cette période, la page Facebook de la RTN, qui partageait majoritairement du contenu contre Azali ou en faveur de Sambi, est inactive et un communiqué de l’Etat comorien a été diffusé le 25 août annonçant son remplacement par Fahardine Abdou. « Ma femme avait assez peur de la situation sur place. Elle avait eu quelques problèmes, des gens qui l’avertissaient, qui lui disaient de faire très attention à ce que je faisais. A un moment donné j’ai senti que les tensions ne cessaient d’augmenter et j’ai décidé directement de prendre un kwassa et d’aller la chercher. »
Pour ces trois hommes, l’arrivée à Mayotte d’opposants à Azali réprimés ne va pas s’arrêter. « Pas plus tard qu’hier quelqu’un qui a pris la parole au gouvernorat d’Anjouan contre le gouvernement et pour soutenir Sambi est arrivé sain et sauf à Mayotte alors qu’on avait débarqué chez lui à Ouani », raconte Ibrahim Said Abdel Majid. « Les flux vers Mayotte ne vont pas s’arrêter, juge aussi Idalo Said Ali. La répression continue et tous les jours il y a des arrestations. J’ai été contacté par des amis là-bas qui veulent venir et qui m’ont posé des questions sur comment je suis arrivé. »