Le noirisme, forme pervertie de la négritude

Succès populaire lors de la 30e édition de Miss Beauté noire (2015)
"Black is beautiful". L’expression est bien connue. Les valeurs propres au monde noir, en général, seraient forcément positives. Pourtant, ce slogan passé à la postérité peut aisément prêter à confusion.
Préférez-vous les cheveux naturels ou lissés de Miss Martinique ? Notre reine de beauté doit-elle conserver ses attributs de naissance ou choisir de modifier sa plastique ? Autre question saugrenue : le "Black Friday", cette braderie généralisée annuelle, est-il entaché de relents racistes ? Ce "Vendredi noir" est, selon certains, le jour consacré à la vente aux enchères d’esclaves aux Amériques, fin novembre.

Des questions sans lien entre elles, apparemment. Elles ont en commun de révéler des fantasmes à partir de jugements de valeur (et si nous laissions nos jeunes femmes libres de choisir leur apparence ?) ou encore d’approximations historiques (d’où vient cette légende ?). Derrière ces controverses qui ne débouchent que de l’émotion brièvement partagée sur les réseaux sociaux, se cache une attitude prenant de l’ampleur : le noirisme.

Son principe de base : "Black is beautiful". "Le Noir est merveilleux". Son principe second : il faut réhabiliter les valeurs du peuple noir, ou de la communauté noire ou des Afro-descendants ou des Africains. Selon les propagandistes de cette mouvance, s’opposer à ce dogme relève du racisme ou de l’aliénation culturelle générée par la colonisation.

Espérons que cette posture disparaisse au plus vite. Il n’existe pas plus de peuple noir que de peuple blanc. Réduire à un bloc monolithique l’Afrique, immense continent de plus d’un milliard d’habitants, riche de plusieurs civilisations vivaces ou disparues, est une grave erreur.

Prétendre que les lointains descendants des captifs d’Afrique soumis à l’esclavage sont des Africains est exagéré. La solidarité entre les peuples, au pluriel, partiellement ou totalement issus des Afriques, au pluriel, implique l’unité dans le dialogue, et non une identité unique fabriquée dans la confusion. Parce qu’il est humain, le Noir, au sens large, est complexe. Aimé Césaire et Frantz Fanon l’ont écrit depuis plus d’un demi-siècle. À lire ou relire de toute urgence.